The Revolutionary Communist Group – for an anti-imperialist movement in Britain

Haïti: Évacuez les troupes!

Annulez la dette !

Mercredi 20 janvier 2010, 12h 38

L’ampleur du désastre haïtien se révèle peu à peu. Le séisme du 12 janvier a causé près de 200 000 morts et la destruction de Port-au-Prince, la capitale. Les anti-impérialistes doivent maintenant dénoncer les responsables de ce désastre. Bien que personne ne puisse empêcher un tremblement de terre, les états ont les moyens de limiter l’ampleur des dégâts et de mettre en place des infrastructures permettant une réponse efficace. En Haïti, l’absence de prévention et de moyens d’action a eu des conséquences dramatiques. Cependant, la principale responsabilité de ce désastre incombe bien moins à l’état haïtien, dramatiquement appauvri, qu’aux responsables de sa paupérisation : l’impérialisme de manière générale, et plus particulièrement l’impérialisme américain. Haïti est l’exemple typique d’un état sous dépendance étrangère, constamment contrarié et mis en difficulté par ceux qui souhaitent garder son territoire et son peuple sous contrôle.

Ce fut pourtant le premier état indépendant d’Amérique Latine et des Caraïbes, le seul à naître d’une révolte d’esclaves. Toujours est-il que 21 ans après sa constitution, l’élite dirigeante de ce petit pays accepta de payer une indemnité s’élevant à 21 milliards de dollars actuels à ses anciens maîtres français. Une compensation à ses ex-locataires en somme. Dès lors, « la perle des Antilles » se trouva sous domination économique, de la France d’abord, des États-Unis ensuite. En 1914, les troupes américaines s’emparèrent des réserves d’or du gouvernement et les placèrent à la National City Bank de New York. S’en suivirent une série de coups d’états et l’occupation du territoire par les États-Unis en juillet 1915. Cette mesure qui visait à anticiper et éviter de prétendus troubles sociopolitiques aboutit à la dispersion des forces de police haïtiennes. A leur place, s’installèrent des forces de l’ordre dirigées par des officiers étasuniens. Les Marines réprimèrent dans le sang les révoltes paysannes. Leur départ en 1934 ne suffit pas à libérer la Banque Nationale de l’emprise de l’US Export-Import Bank. Cette mainmise dura jusqu’en 1947. C’est à cette date que le gouvernement haïtien finit de payer sa dette à la France, en contrepartie de son indépendance.

De 1957 à 1971, Duvalier père instaura une dictature que son fils, « Bébé Doc », maintint en place. Le régime haïtien devint synonyme de brutalité, celle-ci étant encouragée par les États-Unis. Ils formèrent en effet le bataillon des Léopards en vue de contenir et de contrer les insurgés. On estime à 50 000 le nombre d’Haïtiens qui furent tués en 30 ans, c’est-à-dire jusqu’à la fuite de Jean-Claude Duvalier, le fils, suite à une insurrection populaire en 1986. En décembre 1990, Jean-Bertrand Aristide fut élu président avec 67% des voix, grâce à un programme de réformes sociales. Face à lui, le candidat soutenu par les États-Unis ne put réunir que 14% des suffrages. Le président Aristide fut renversé 6 mois après son élection, lors d’un coup d’état soutenu par les Etats-Unis. S’ensuivit une campagne de terreur qui causa entre 3 000 et 5 000 morts. Ce n’est qu’en 1994 que Aristide put reprendre son poste et achever son mandat. Pour cela il dû accepter de privatiser l’économie et de lever l’ensemble des droits de douane. L’agriculture de l’île se trouva asphyxiée par les importations massives de riz et de sucre américains fortement subventionnées Ainsi, alors que dans les années 1980 Haïti assurait son autosuffisance alimentaire, en 2008, il était devenu le troisième pays importateur de riz américain, à raison de 240 000 tonnes annuelles. Celui-ci était subventionné à hauteur de 1 milliard de dollars par an.

Aristide fut réélu en 2000, avant d’être à nouveau renversé en 2004, lors d’un coup d’état orchestré par le gouvernement de la puissance nord-américaine. Il venait effectivement de demander réparation à cette dernière. L’armée de l’Oncle Sam le kidnappa et l’emmena en République centrafricaine. Depuis lors, des troupes des Nations Unies assurent une présence permanente sur le territoire haïtien. Cette domination continue sur le pays en a fait le plus pauvre de l’hémisphère nord. En effet, plus de la moitié des Haïtiens survit avec moins de 1 $ par jour et 72 % de la population  se contente de moins de 2 $ quotidiens ; le salaire annuel moyen est de 600 $. L’indice de développement humain d’Haïti est le 150ème sur 177 pays classés. Quant à l’espérance de vie, elle atteint péniblement les 52 ans.

On estime à 250 000 le nombre d’enfants en situation de quasi-esclavage tant leurs familles sont pauvres. De fait, 50 % de la population est entretenue par les millions d’Haïtiens émigrés, qui ont fuit la misère noire de leur patrie. Or, on sait que la moitié des  richesses appartient à 1 % de la population. La crise agricole a provoqué la destruction de 98 % des forêts du pays. Par ailleurs, 60 % des bâtiments de Port-au-Prince n’étaient pas conformes aux normes anti-sismiques, ce qui explique qu’ils se soient écroulés comme des châteaux de cartes. Ce sont les bidonvilles en périphérie de la ville qui ont été les plus sévèrement touchés par la catastrophe.

Au cours des siècles, Haïti n’a cessé d’être dépouillé de ses richesses. Quand, en 2006, le pays bénéficia de l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE), sa dette extérieure totale s’élevait à 1,337 milliards de dollars. En juin 2009, quand il sortit de ce programme, sa dette atteignait les 1,884 milliards de dollars. En tant qu’envoyé spécial des Nations Unies en Haïti, l’ex-président, Bill Clinton, devait s’assurer de la continuité des politiques américaines dans la république créole. Il prévoyait d’établir au nord de celle-ci un parc d’attraction pour touristes, à l’image de Cuba dans les années 1950.

Le nombre de victimes du séisme résulte principalement de l’absence d’infrastructure chargée de gérer les catastrophes naturelles. La déforestation est quant à elle la cause de l’ampleur  des dégâts  causés par les ouragans qui ont frappé l’île. En 2008, ils causèrent la mort de 800 Haïtiens et privèrent de leur toit 1 million d’habitants. Ces mêmes ouragans tuèrent 8 personnes à Cuba. Comme Haïti ne peut gérer de telles catastrophes naturelles, elles provoquent de véritables drames humains et économiques.

Le séisme de janvier 2010 n’a rien changé aux politiques de domination exercées en Haïti. En effet, en réponse à cette catastrophe le président Obama s’assura d’abord du contrôle du principal aéroport de l’île et de l’envoi de 3 500 soldats. Il lui faudra une semaine de plus pour un navire-hôpital. Cette mainmise sur l’aéroport allait compromettre l’arrivée de l’aide médicale venue d’autres pays. Comble du grotesque : Obama a recruté deux ex-présidents, Bill Clinton et George W Bush, pour aider à la collecte de fonds privés. Les deux hommes étaient, respectivement, responsable du coup d’état de 1994 contre Aristide et responsable de la réitération de cette opération en 2004. Qui plus est, qui a oublié la gestion catastrophique de l’ouragan Katrina à la Nouvelle-Orléans par George W en 2005 ? Obama a promis une aide de 100 millions de dollars à Haïti ; il aurait bien mieux aidé le pays en prononçant l’annulation de sa dette extérieure.

Mais cela n’était pas au programme. La priorité du gouvernement américain est d’éviter les répercussions de cette catastrophe sur sa politique en Haïti. La république créole est, une fois de plus, sous le coup d’une occupation militaire. Celle-ci est rendue acceptable par les communiqués de médias racistes relatant pillages et affrontements dans un contexte d’effondrement de la loi et de l’ordre ; les observateurs sur le terrain donnent une version des faits bien différente.

L’Amérique impérialiste est bien consciente de l’importance de l’aide offerte par Cuba et les pays de l’ALBA (alternative bolivare pour les Amériques), et cela sans rien exiger en retour. Le jour du séisme, il y avait déjà 350 personnels de santé cubains à l’œuvre en Haïti, en plus des docteurs haïtiens formés dans les écoles de médecine cubaines. Cuba leur envoya rapidement des renforts. Les États-Unis ne peuvent offrir aucune aide de ce type. Cuba a autorisé la puissance impérialiste à traverser son espace aérien national pour évacuer les blessés. L’ex-secrétaire assistante à la défense Lawrence Korb a d’ailleurs déclaré : « Nous devrions réfléchir un instant au fait que chez nos voisins cubains se trouvent quelques-uns des meilleurs médecins au monde … Nous devrions pouvoir les acheminer à Haïti à bord de nos avions … »

La tragédie qui a frappé Haïti est celle d’un pays opprimé et dépendant qui n’a pas pu se donner les moyens de faire face à un tel désastre. Dans ses Réflexions récentes, Fidel Castro mentionne : « La population mondiale n’est pas uniquement menacée par des catastrophes naturelles comme celle qui a touché Haïti et qui n’est qu’un pâle reflet de ce qui pourrait se produire dans un contexte de bouleversement climatique. Or, la question les changements climatiques a été tournée en ridicule, bafouée et déconsidérée à Copenhague. » Il attira ensuite l’attention sur un autre point essentiel : « La coopération saura-t-elle résister bien longtemps au chauvinisme, aux intérêts mesquins et au mépris des autres nations ? » Cuba, qui est organisé selon les principes socialistes, a pu préserver son indépendance, ce qui lui a permis de mettre en place les infrastructures nécessaires à la gestion de telles catastrophes. Une heure après le séisme, ce sont 30 000 personnes qui furent évacués de Baracoa vers la côte est, par crainte d’un tsunami. Face à l’aide désintéressée de Cuba, les États-Unis n’ont à offrir que l’envoi 3 500 soldats et la certitude d’une nouvelle occupation de l’île. Le contraste entre impérialisme et socialisme est frappant.

Libérez Haïti!
Évacuez les troupes!

Annulez la dette!

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